Allotransplantation de tissus composites et greffe de face
Dans le service de Chirurgie Plastique,Reconstrutrice et Esthétique de l’Hopital Européen Georges Pompidou , HEGP nous appliquons régulièrement les techniques de reconstruction faciale les plus évoluées afin d’offrir aux patients porteurs de mutilations faciales, une récupération fonctionnelle et esthétique optimale.
Nous sommes cependant confrontés à des cas très particuliers pour lesquels nous ne pouvons envisager un résultat satisfaisant, en termes de qualité de vie, avec les techniques de reconstruction utilisant les propres tissus du patient. Ceci concerne essentiellement les patients qui présentent une destruction totale des muscles assurant la continence des cavités faciales (buccales et oculaires), c’est-à-dire les muscles orbiculaires de paupières et de la bouche. Ceci peut être lié à des traumatismes (brûlure au 3ème degré, accident par arme à feu, morsure), à des malformations génétiques ou à des atteintes tumorales.
La destruction de ces muscles entraîne une gêne fonctionnelle majeure, qui se traduit par des difficultés d’alimentation, de respiration, de langage, des altérations oculaires pouvant mener à la cécité, et à un préjudice esthétique source d’exclusion sociale.
En l’absence de techniques de régénération tissulaire fiable, il nous est apparu que la seule solution envisageable était de transplanter des tissus faciaux sains provenant d’un donneur en état de mort cérébrale, donc de réaliser une greffe de face.
La face inclut différents types de tissus : peau, cartilage, nerfs, muqueuses, vaisseaux, muscles etc. qu’il va falloir remplacer. On parle ainsi d’allotransplantation de tissus composites (ATC).
Comme il s’agit de tissus étrangers, ils provoquent de manière systématique une réaction de rejet par l’organisme en l’absence de traitement. Il est donc nécessaire de prendre à vie des médicaments affaiblissant le système immunitaire. On parle de traitements immunosuppresseurs, qui sont responsables de complications, augmentation de la sensibilité aux infections par exemple.
Dans la dynamique des premières ATC de mains réalisées, le Pr Laurent LANTIERI et son équipe ont mis en place, depuis 1999, un programme de recherche afin d’évaluer la faisabilité d’une telle procédure. Après des études anatomiques poussées validant la technique chirurgicale, ils ont proposé un protocole de recherche clinique visant à inclure 5 patients. Celui-ci est promu par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris.
Le premier patient inscrit dans ce protocole a été greffé le 21 janvier 2007, iI était porteur d’une maladie génétique, la Neurofibromatose de type I, responsable d’une déformation invalidante de son visage.
Les résultats fonctionnels recueillis à 5 ans sont extrêmement favorables. En plus du bénéfice esthétique évident, le patient peut désormais manger normalement, avoir une conversation téléphonique intelligible et exprimer des émotions grâce à son nouveau visage. Il sort dans la rue sans être dévisagé et a pu décrocher un travail à temps plein.
Le traitement immunosuppresseur n’a pas entraîné d’effets indésirables graves, mis à part une infection à cytomégalovirus guérie depuis 24 mois.
Toutes ces données nous ont poussés à l’élargissement des indications de greffe de face à la quasi totalité du visage, auparavant limitées au 1/3 inférieur du visage. Ainsi, d’autres patients ont été inclus dans le protocole en vue de greffes d’autres parties de la face. De plus, nous travaillons en collaboration avec les services de chirurgie de la main pour réaliser d’autres ATC, notamment des greffes de mains bilatérales.
A ce jour, trois autres de nos patients ont pu bénéficier d’une greffe de visage, et l’un de ces patients a en plus reçu une double greffe des mains, ce qui porte à 7 le nombre de patients ayant été greffés dans notre service.
Au total, 22 greffes ont ainsi été réalisées dans le monde : la première en France, deux aux Etats-Unis, une en Chine, et une en Espagne.
Actuellement des patients sont en cours d’évaluation pour des greffes de visage et des greffes de mains.
Où s’adresser:
Si vous avez un patient ou si vous pensez être vous-même un candidat potentiel à une greffe de face ou de mains, et souhaitez participer au programme de recherche clinique, vous pouvez contacter Sandrine Jacquemet au secrétariat du service, au 01 56 09 58 72.
Une première consultation avec un chirurgien plasticien vous précisera en détail les risques encourus et établira si votre cas relève ou non d’une greffe de tissus composites.
Si tel est le cas, vous serez ensuite évalué par une équipe pluridisciplinaire incluant des psychiatres, psychologues, immunologistes, radiologues, neurologues et dermatologues.
La décision finale de participer au protocole sera prise par le patient, après accord de l’équipe pluridisciplinaire.